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Réforme de la fiscalité du patrimoine

Une réforme de la fiscalité du patrimoine est à l’ordre du jour. Quelques échos du colloque  » Patrimoine et fiscalité. Enjeux et convergences européennes « , qui s’est tenu à Bercy le 3 mars 2011.

Le chantier est de taille : réformer « en profondeur », nous disent nos politiques, le système d’imposition du patrimoine des français. Le calendrier paraît peu propice à cette réflexion, élections cantonales et présidentielles étant programmées à moyenne échéance. Cependant, ce besoin de réforme semble faire l’unanimité, car la fiscalité française du patrimoine ne répond plus à ses objectifs premiers :  justice, efficacité et stabilité.

Trois interventions gouvernementales au cours de cette journée : François FILLON, Premier Ministre, Christine LAGARDE, Ministre de l’Economie, et François BAROIN, Ministre du Budget. Une seule question : faut-il supprimer ou modifier notre bon vieil ISF (Impôt Sur la Fortune). Trois prismes différents.

  1. Pour notre Premier Ministre, cette nécessaire réforme doit avant tout générer « simplicité et stabilité ». La lecture de François FILLON est avant tout historique : création de l’impôt par Philippe Le Bel, égalité fiscale acquise à la Révolution et création de l’impôt sur le revenu sous sa forme actuelle au début du XXème siècle, après 1 siècle de débats. La question actuelle s’oriente vers la recherche de justice fiscale autour des 3 piliers suivants : travaill, transmission et patrimoine. Il faut aujourd’hui « ajuster » et « maintenir le cap des réformes », car le bouclier fiscal a été mal compris (pas mal conçu, non, mal compris…). Les préalables : ne pas toucher au Livret A, ni à l’assurance vie des petits épargnants, ni à la réforme récente des droits de succession. Les plus-values de cession immobilières seront toujours exonérées pour la résidence principale. La fiscalité des entreprises sera encouragée et la transmission de l’outil professionnel favorisé (sans détail!). Les impératifs : sortir de l’ISF les 300.000 foyers qui y sont entrés par la revalorisation de leur bien immobilier détenu pourtant depuis longtemps et harmoniser la fiscalité des entreprises au niveau européen. Au niveau européen le modèle qui prévaut : l’Allemagne. Face au mouvement « égalitariste » de la gauche, la politique actuelle entend faire de la fiscalité une « ambition nationale » et la « philosophie » d’un gouvernement d’une France au sein de laquelle classes populaires, classes moyennes et classes élevées cohabitent sereinement.
  2. Christine LAGARDE, (dont le débit de paroles est réellement impressionnant) illustre son discours par des citations, au début et à la fin. La trame est résolument économique et le modèle européen nous emmène rapidement outre-Atlantique. Plaidant résolument pour la suppression pure et simple de l’ISF et du bouclier fiscal, elle place la problématique de l’impôt « au coeur du contrat social ». L’ISF génère une « schizophrénie fiscale » dans notre pays, et ce depuis sa création, preuve qu’il n’est pas adapté. (Il faut reconnaître que la formule est bien trouvée!) Impôt injuste, car assis sur une base étroite avec un taux élevé, il est « confiscatoire », pour ceux qui ont été « pris dans la nasse de l’ISF » par la détention immobilière, et il s’avère inefficace en collecte comme en gestion administrative. Les conditions d’un impôt juste sont triples : « qu’il soit en relation avec la capacité contributive », qu’il soit « simple, lisible, intelligible » et qu’il participe à la construction d’un « système économiquement utile ». Les conditions du remplacement de l’ISF et du bouclier fiscal : qu’il n’y ait pas de « transfert » de la cible des contribuables concernés par la collecte de l’impôt sur le patrimoine et que l’impôt récolté ne soit pas inférieur aux sommes précedemment payées. La volonté politique affirmée de Madame LAGARDE : un impôt qui taxe de façon égale toutes les sources de revenus du patrimoine. Ainsi, le contribuable très aisé ne pourra-t-il plus s’évader vers des niches fiscales, et il sera, par conséquent, obligé de réinjecter de l’argent dans l’économie française. L’idée est forte et le schéma attrayant, la mise en application semble illusoire en un temps si court.
  3. François BAROIN paraît plus convaincu par la nécessité d’une réforme de l’ISF ainsi que sa simplification (une déclaration unique) que par sa suppression radicale. Le discours, moins marqué par des effets de paroles, vire cependant rapidement dans l’administratif. La réforme « en profondeur » consiste à supprimer le bouclier fiscal et à procéder à un allègement de l’ISF. Le seuil de déclenchement passerait ainsi de 800.000 e à 1.300.000 €, mais avec une taxation au 1er euro. Suit un détail de taxations, d’assiettes et d’exonérations, anciennes ou relookées, supposées rendre cet impôt efficace. On entend bien que la suppression de l’ISF se fera difficilement, parce que des mesures collatérales s’imposent, qui n’ont pas été programmées, et que tout cela coûtera fort cher.

Au cours de cette journée plusieurs tables rondes ont permis de faire le point sur les statistiques (et des comparatifs avec nos voisins), les chiffres réels et les différents points de vue des intervenants conviés : avocat fiscaliste belge, membres de l’OCDE, directeurs d’études, parlementaires. Un constat : la France s’enrichit, et si la taxation sur le revenu du travail fonctionne correctement, la collecte d’un impôt additionnel, basé sur le patrimoine possédé, et susceptible de servir l’économie, n’a pas encore trouvé son « créateur », pas plus à droite qu’à gauche.

Le débat est intéressant, et se résume finalement à une idée forte : comment prendre plus d’argent à ceux qui en ont plus, sans les appauvrir en le faisant, sans inciter les plus nantis à quitter la France, et en le faisant de façon équitable à patrimoine égal ? Une première réponse s’impose, et qui fait l’unanimité : que les français n’aient plus l’impression que cet impôt varie selon les gouvernements, qu’il soit enfin stable. La deuxième piste est européenne, évidemment, car si les pays européens harmonisent leurs fiscalités, les flux migratoires des contribuables cesseront naturellement. (Aujourd’hui, ces flux sont facilement repérables et à mettre en corrélation avec le statut, l’activité, la composition familiale et l’âge des populations concernées). La troisième voie, la plus difficile à saisir, résulte du constat qu’à l’heure actuelle, et face à l’enrichissement « mécanique » (de concitoyens qui ont eu la chance d’hériter de fortunes constituées durant les 30 glorieuses, plus que de fortunes constituées personnellement par le fruit du travail individuel), la taxation des revenus issus du patrimoine s’impose. Mais pour y parvenir efficacement il faut probablement que tous ces revenus soient taxés, sans distiction ni hiérarchisation. Et, au fond, effectivement, peu importe que ces revenus soient issus de rendements locatifs, de placements financiers ou d’investissements sur tel ou tel produit.  L’essentiel est bien que l’impôt reflète la situation financière réelle des contribuables. Et le voeu pieux de voir réinjecté, en plus, l’argent du patrimoine dans l’économie française ne constitue qu’un plus.

(Anne PELLAZ)

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