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Articles avec le tag ‘complément d’honoraires’

La tarification à l’activité

La tarification à l’activité (la « T2A »), qui a timidement fait son apparition dans les hôpitaux français depuis 2005, a été renforcée en 2007 avec le « Plan Hôpital ». Depuis la Loi de Financement de la Sécurité Sociale de 2009, cette tarification à l’activité a progressivement pris le pas sur la tarification à la journée qui constituait auparavant la norme dans les hôpitaux publics. Comment finances et santé publiques cohabitent-elles depuis lors ? Quelques éclairages sur la situation d’aujourd’hui, avec quelques années de recul…

L’objectif  du « Plan Hôpital » de 2007 était clairement de rendre l’Hôpital Public rentable. Le prix tarifé à la journée ne tenait pas compte de la difficulté à traiter certains cas difficiles, ni du temps réel passé par les soignants à prodiguer des soins spécialisés à certains patients. Il a donc été décidé de changer d’orientation budgétaire, en accordant aux établissements publics des crédits en fonction des actes médicaux effectués. Plusieurs tarifs ont été institués, cumulables au besoin en fonction de la pathologie réelle du patient hospitalisé. Les crédits seront désormais calculés annuellement selon le nombre de ces actes médicaux pratiqués au sein de l’établissement.

Les premières disciplines concernées furent la médecine chirurgicale et obstétrique, rejointes rapidement par la médecine, l’odontologie.

Les pour : cette tarification permet de s’adapter mieux au coût de revient réel d’un patient hospitalisé lorsque l’affection relève d’un cas technique et que le traitement correspondant peut être parfaitement codifié.

Les contre : en revanche, et dans de nombreux cas, elle augmente la pression sur le personnel soignant, tenu d’effectuer plus d’actes médicaux pour un temps de travail identique. Très décriée dans le milieu hospitalier, cette obligation de rentabilité à l’acte médical pur ne tient pas compte du temps passé auprès du malade, sans autre tâche particulière que de l’accompagner et de le soigner au quotidien. Le tarif à la journée, à cet égard, correspondait plus à la situation des malades hospitalisés, notamment pour des longs séjours. La codification à l’acte introduit une notion de comptage des interventions chirurgicales, dont le nombre doit être suffisant pour permettre un budget important.

Les cliniques et hôpitaux privés, dont la politique a toujours été axée autour de l’acte chirurgical, pour des questions de rentabilité, sont plus réactifs. Ils figurent souvent en tête des palmarès des établissements pratiquant tel ou tel type d’intervention, en général des opérations sans grande difficulté, et en nombre important, ce qui leur permet d’apparaître en haut du classement. La T2A des établissements privés est similaire à celle du public, sauf que les dépassements d’honoraires des chirurgiens sont légion, et parfois dans des proportions alarmantes.

Les hôpitaux publics doivent gérer cette tarification à l’activité d’une manière plus globale, car elle doit inclure les rémunérations du personnel soignant et des médecins. La rentabilité ne peut donc pas être vraiment comparée. Par ailleurs, l’hôpital hérite traditionnellement de deux types de patients : les plus démunis et les pathologies très lourdes exigeant un accompagnement personnalisé et qui échappe souvent à cette fameuse T2A.

Les délais nécessaires à la programmation d’une intervention chirurgicale « classique » (et souvent réellement rentable!) s’allongent inexorablement à l’hôpital… Les interventions sont souvent programmées par le personnel administratif, et même plus par les médecins… Dans le même temps les établissements privés ouvrent leurs portes à des patients moins fortunés… et tentent de pratiquer plus de chirurgie en renvoyant les opérés plus rapidement chez eux… L’hôpital est enraciné dans sa vision d’un refuge pour les cas très lourds ou les plus démunis d’entre nous, tandis-que bon nombre de praticiens hospitaliers cumulent consultations publiques (pour la renommée) et consultations privées (pour les finances). Le complément d’honoraires prévu dans le « secteur optionnel » (cf. Le secteur optionnel) permettra-t-il de soulager la situation budgétaire des hôpitaux publics ? On peut en douter. Et, comme d’habitude, se demander si l’excès ne peut pas, ne doit pas être corrigé. En effet, bon nombre de pays pratiquent une tarification à l’activité, mais dans des proportions plus modestes. Souhaitons que les deux systèmes coexistent dans l’intérêt de tous les malades.

(Anne PELLAZ)

Le secteur optionnel

On connaît déjà le secteur 1 (honoraires conventionnés), le secteur 2 (honoraires libres) et le secteur 3 (honoraires hors convention). A quoi correspond ce secteur «optionnel», qui devrait voir le jour prochainement ? Quelques pistes…

Les «secteurs» sont des catégories auxquelles appartiennent les médecins. Les médecins dits «de secteur 1», ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires, leurs consultations coûtent strictement le «tarif de convention» (ou «tarif plafond de convention», ou «tarif conventionnel», ou « base de remboursement »). Les médecins «de secteur 2» pratiquent un dépassement d’honoraires, qui peut varier en fonction de la consultation, et donc de la nature des soins. Les médecins «de secteur 3» pratiquent un dépassement d’honoraires très important et ne sont pas conventionnés.

Secteur 1 : Il s’agit principalement de médecins généralistes (qui ont peu de frais à assumer, en terme d’acquisition ou d’entretien d’appareils spécialisés) ou de médecins hospitaliers (qui bénéficient de l’appareillage mis à disposition par l’hôpital public). Pour ce type de consultations, la facturation et le remboursement ne varient pas : 70% ou 100% (si le patient est pris à 100% par la sécu) seront remboursés à l’assuré par la sécurité sociale, sa complémentaire sante ou sa mutuelle venant éventuellement compléter à hauteur de la dépense engagée. Certains praticiens acceptent même la carte vitale, et, en ce cas, la patient ne déboursera que les 30% du tiers-payant. Dans certains cas, même, l’assuré fournira sa carte vitale et sa carte de tiers-payant mutuelle et il n’aura aucun frais à avancer.

Secteur 3 : Ces médecins sont « non-conventionnés » ou « hors convention ». Ils fixent librement leurs honoraires, qui s’élèvent souvent à quelques centaines d’euros la consultation. La sécu ne rembourse rien, ou très peu (quelques euros au mieux…), certains organismes complémentaires remboursent sur la base d’un tarif de convention reconstitué et à hauteur de leur engagement comme dans le cas d’un médecin conventionné. Parmi eux, on trouve majoritairement des professeurs, chefs de clinique… qui consultent parfois aussi en secteur 1. De nombreux spécialistes cumulent en effet consultations publiques et consultations privées. L’écart de prix pratiqué pour des prestations parfaitement similaires paraît difficile à comprendre, voire relever d’une éthique pour le moins singulière…

Secteur 2 : Il s’agit en grande majorité des médecins spécialistes : cardiologues, dentistes, dermatologues, gynécologues, ORL… mais aussi des spécialistes en radiologie, échographies ou IRM… ou des psychiatres, et, en cas d’intervention chirurgicale, les chirurgiens spécialisés ou les anesthésistes. De fait, le montant du dépassement d’honoraires paraît très différent d’un médecin à l’autre. Cependant, si l’on y regarde de plus près,plusieurs critères ordonnancent ces dépassements : localisation (prix du loyer), spécialité pratiquée (appareillage nécessaire, nombre de m² consacrés au patient…), différence d’actes (simple consultation, visite de contrôle avec appareillage…), utilisation de produits (avec temps de réaction), temps consacré au patient (y compris temps de réveil après une intervention chirurgicale, par exemple), nécessité d’avoir recours à un assistant formé….

Le chantier est à l’étude depuis plusieurs années déjà. Le projet de créer un secteur intermédiaire entre le secteur 1 et le secteur 2 est en passe d’être finalisé, probablement à l’automne prochain. Certains assureurs ont même anticipé sa mise en place, en créant des garanties qui prévoient d’ores et déjà les remboursements idoines.

Pour quels médecins ? Pour les médecins du secteur 2 qui pratiquent des actes « lourds » : chirurgiens, anesthésistes, chirurgiens-gynécologues ou obstétriciens. On l’a bien compris, ces actes sont ceux qui coûtent le plus cher, parce qu’ils cumulent des paramètres complexes (équipe médicale, place, appareillage médical, temps…) qui rendent leur nature singulière. Il serait donc normal qu’ils obéissent à d’autres règles de remboursement.

Comment fonctionnerait ce secteur « intermédiaire ou « optionnel » ? Les praticiens qui le choisissent (il ne sera pas imposé) s’engagent à plafonner leurs dépassements (pas plus de 50% en plus du tarif de la sécurité sociale) et, le corollaire, à ne pas appliquer un dépassement sur tous les actes qu’ils pratiquent. Un minimum de 30% des actes pratiqués à l’année devra s’effectuer sans dépassement.

Vocabulaire : les compléments d’honoraires désigneront désormais ce dépassement, jusqu’à + 50% du tarif de la sécu, dans le cadre de l’exercice en secteur optionnel, tandis-que le dépassement d’honoraires continuera à s’appliquer aux honoraires pris librement par les médecins du secteur 2.

Les organismes complémentaires, dans ce cadre strict, ont annoncé qu’elles s’engageraient à prendre en charge ces «compléments d’honoraires». Cette mesure, si elle est adoptée, et cumulée avec les nouvelles dispositions des primes allouées à certains médecins (primes à la performance, ou pour les médecins exerçant en zones de désertification, ainsi que des mesures de tarification à l’acte médical), devrait contribuer à assainir la situation médico-chirurgicale en France. En effet, se faire opérer en hôpital aujourd’hui, hors urgence, tient de la gageure, et il est clair depuis longtemps que ces actes sont effectivement « lourds » et souffrent d’être assimilés, en terme de remboursements, aux consultations médicales classiques. Seule ombre au tableau : la lisibilité des prises en charge et remboursements se complique encore un peu plus…

(Anne PELLAZ)